Ça y est, nous y sommes ! Il est temps de voter et Entrée Libre espère que vous allez le faire en grand nombre. Dans un monde idéal, l’implication citoyenne ne s’arrêterait pas au simple vote, mais c’est là un autre dossier qu’il serait trop long de traiter ici. Parlons plutôt des choix qui s’offrent aux électeurs.
À la mairie, quatre candidats s’affrontent. Bernard Sévigny est le maire sortant et il brigue un autre mandat. Sévigny est un maire qui pourrait être qualifié au mieux de «bon technocrate» ou d’un politicien peu inspirant. Si vous lisez le compte-rendu des entrevues menées par Entrée Libre avec les candidats, vous constaterez que Sévigny n’est obsédé que par une seule chose : le budget et l’impact que la caisse de retraite des employés de la Ville a sur ce budget. On s’entend, les finances publiques, c’est très important, mais il n’en reste pas moins que les enjeux de développement du territoire sont aussi cruciaux pour les citoyens.
Prenons le plan de mobilité durable par exemple. Sévigny en est très fier, mais il est incapable, en entrevue, de nommer deux mesures de ce plan. Pas cinq mesures, deux. Sérieusement, un maire moindrement sensible à ces enjeux ou même un politicien ne serait-ce qu’un tantinet au courant de ses dossiers, aurait fait mieux que de se tromper dans le nom d’une entreprise bien connue de partage de véhicule. Ce n’est pas «Éconauto», M. Sévigny, c’est Communauto !
Par ailleurs, Sévigny envisage de prolonger le Boulevard Portland jusqu’à Rock Forest au coût de 50 millions. Si la réforme de la gouvernance municipale proposée par le Renouveau Sherbrookois permettait d’économiser 650 000 $ par année (nous y reviendrons), il ne faut pas être une bolle en maths pour comprendre que ce projet vient semer le doute sur l’argument budgétaire servi pour défendre l’amputation de moitié du Conseil.
Par ailleurs, quand vient le temps de construire un nouvel axe routier (possiblement à travers des milieux humides), le maire est moins grippe-sou que quand vient le temps de parler du financement du transport en commun. En effet, en entrevue, Sévigny affirme qu’«à moins de payer l’impensable, c’est difficile d’avoir un système efficace de transport en commun à St-Élie et à Rock Forest.»
Cela dit, avons-nous vraiment besoin de ce nouvel axe routier ? Certes, le boulevard Industriel est engorgé à l’heure de pointe, mais pourquoi contourner le problème et ne pas élargir directement le boulevard Industriel, comme le propose un autre candidat, Denis Pellerin ?
Denis Pellerin
Étant sur le sujet, parlons de Denis Pellerin. Pour avoir discuté avec lui jadis au sujet des expropriations que la Ville avait effectuées à grands frais au coin de King et Belvedère – la Ville avait aussi décontaminé le terrain, encore une fois à grands frais, pour finalement l’offrir à une chaîne hôtelière, congé de taxes régressif en prime –, M. Pellerin est manifestement très informé des multiples dossiers municipaux et notre récente rencontre avec lui pour une entrevue n’a fait que confirmer l’érudition du candidat. Ses critiques sont cependant plus nombreuses que ses véritables propositions. Sept conseillers sortants ont néanmoins signé son formulaire de candidature, dont David Price qui ne s’est pas gêné pour le faire devant les médias.
Hubert Richard, quant à lui, est un candidat malhabile, sans grande crédibilité, plus ou moins à tort. Nous l’avons rencontré après que M. Richard, en costume vert, ait déclamé au mégaphone son programme au beau milieu de l’intersection King et Wellington. Beaucoup d’automobilistes klaxonnaient et deux passants l’écoutaient en faisant des signes de salutation nazis. En entrevue, Richard n’est pas tout à fait aussi «crinqué» qu’on pourrait le croire. Par exemple, il appuie le prolongement du boulevard Portland. Même si l’on pourrait penser, peut-être à cause de son costume vert et du nom de son parti, qu’il a des tendances écologistes avouées, ce n’est pas aussi simple. Il parle des «environnementalistes» comme d’un groupe auquel il ne s’associe pas. Son mélange de sérieux et de dérision laissera à coup sûr dubitatifs de nombreux électeurs potentiels, avec raison. Hubert Richard ferait certainement un bon conseiller – tout comme plusieurs de ses candidats – mais comme maire, il est légitime d’hésiter.
Quant à Roy Patterson, disons que nous en sommes encore au stade de l’interrogation en regard de sa candidature. Le monsieur n’est pas très au courant des dossiers municipaux et c’est là un euphémisme.
Bref, que faire ? Si par hasard il était élu, M. Pellerin ferait certainement un bon maire. Or, Bernard Sévigny va probablement l’emporter. C’est pourquoi l’enjeu le plus important de l’élection n’est pas tellement le choix du maire, mais bien le choix de la composition du conseil municipal. Si la population donne une majorité au parti de Bernard Sévigny, Dieu seul sait ce qui va arriver. M. Sévigny a beau dire sur toutes les tribunes – il appelle ça de la pédagogie – qu’aucune ligne de parti ne sera imposée, mais bon… il y a des limites à prendre les gens pour des valises. Et même si cela s’avérait, les candidats du Renouveau sherbrookois sont tout de même liés par les engagements du maire durant la campagne.
Ces engagements incluent évidemment une réduction drastique du nombre d’élus au conseil et la fusion de plusieurs arrondissements. Le fameux rapport Paquin proposait jadis de réduire le nombre d’élus à 15. Maintenant, l’Équipe Sévigny veut le réduire à 12! Aussi critiquable qu’ait été le rapport Paquin, il était au moins le produit d’une consultation entre élus et était basé sur un sondage et un minimum de recherche auprès d’autres municipalités. La nouvelle proposition est d’autant plus inquiétante qu’elle vient de nulle part. Et comble de la mauvaise foi, lors de l’annonce de ce nouveau projet de suicide assisté au conseil, le maire déclarait que 72 % des gens appuyait la réforme. Oui, 72 % avait répondu être favorable ou très favorable à une réduction du nombre de conseillers SI L’ON MAINTENAIT LES ARRONDISSEMENTS !
Cette réforme, qui est défendue comme une manière de bien paraître auprès des employés de la Ville, est inutile et d’un cynisme aberrant. Elle est le symptôme d’un mépris du maire pour la démocratie municipale et d’une obsession managériale pour des questions budgétaires qui ne seront par ailleurs en rien réglées par cette mesure antidémocratique. La réduction du nombre d’élus est une solution à la recherche d’un problème. Il faut donc s’opposer à l’élection d’une majorité du parti du maire et à une adoption automatique de cette réforme. Le meilleur moyen de le faire est de voter, dans chacun de vos districts, pour un candidat indépendant.
*Je me dois de mentionner que je suis activement impliqué dans la campagne d’un ami qui se présente au poste de conseiller dans un district de Sherbrooke. L’opinion exprimée ici est la mienne et, même si elle pourrait faire en sorte de favoriser les candidats indépendants, elle ne vise pas bêtement à favoriser une personne en particulier. Les lecteurs pourront juger de la pertinence des arguments et se faire leur propre idée. L’implication en politique ne devrait jamais être un frein à l’expression libre des idées… bien au contraire.