Trop d’artistes se mêlent de moralité alors qu’il(elle)s ne sont que les icônes écervelées de véritables sans allure. Même les plus populaires d’entre eux n’ont hélas que leur thanatos à faire valoir, un triste appel à l’autodestruction, une pulsion de mort. Leur vénération du nihilisme occulte la seule idée vraiment digne d’importance en ce début de millénaire : la survie de l’Humanité et le bien-être de ses congénères. Qu’est-ce donc que ces genres musicaux qui invitent au suicide, individuel ou collectif ?
Une mentalité qui conclut qu’en désespoir de cause il y a l’annihilation totale est une mentalité dénaturée. Les questionnements existentiels des générations d’après-guerre reflètent à coup sûr le profond malaise qui mine notre civilisation. L’époque prête l’oreille aux déviances. Elle leur alloue même une respectable crédibilité. Les nihilistes trouvent dans leur personnalité exclusive leur fervente dévotion à l’incroyance. Contre les absurdités objectives de ce monde, leur révolte s’adonne à de véritables délires sataniques. Il(elle)s se proclament libres de leurs choix, justement au nom de leur douteux libre arbitre soi-disant intelligent. Cette redondante pensée n’est ni viable ni saine. Il faut la juger pour ce qu’elle vaut, pas grand-chose.
Les Romains jouissaient à voir s’entre-tuer leurs gladiateurs. Aujourd’hui, les jeunes Sapiens(nes) vibrent en appels hargneux, sur des rythmes électrifiés infernaux. Ils(elles) chantent hystériquement la fin de l’Histoire et à la destruction définitive de la Terre. Cette folie a un rationnel et un développement compréhensible : la rébellion des générations, l’expérience de la stérilité et le désespoir. Un peu de foi en ses moyens et une élémentaire confiance en soi pourraient peut-être garantir chez les Terrien(nes)une santé mentale moins désordonnée. La cohésion sociale des peuples cheminant vers une paix partagée ne s’en verrait que confortée.
On crée parfois sa folie. On l’est aussi souvent par une génétique qu’on dénature. La consommation aberrante de drogues mal synthétisées, comme la cocaïne, le speed ou l’héroïne par exemple, ainsi que les nouveaux médicaments qui agissent sur le sommeil, les humeurs, les comportements et la libido elle-même ont des effets secondaires redoutables et questionnent la bonne conscience des Sapiens(nes). Certains d’entre eux donnent le goût de tuer ou de se suicider. Dans certains cas, ils agissent sur la morphologie de leur consommateur(trice). Quand ils entraînent la frigidité, l’impuissance et la perte de la libido, ils suscitent l’indifférence, l’indolence et une narcissique promiscuité. Les médicaments, qui reconstruisent ou déconstruisent l’état naturel des Sapiens(nes), peuvent créer un sol propice au bourgeonnement d’une secrète démence. Ceux(celles) qui les consomment et qui les recherchent inconsidérément n’ont qu’eux(elles)-mêmes à blâmer pour leur naufrage des obsessions de pensées suicidaires.
L’abattement profond est une maladie qui se traduit par un mal-être existentiel aigu, un sentiment de tristesse constant et une fatigue aussi bien mentale que physique. C’est l’effondrement de la volonté. Surgissent alors les idées noires. Elles sont accablantes. On s’en débarrasse en les remplaçant par de meilleures pensées. Un papier et un crayon aident à formuler des idées positives. Il faut les relire fréquemment. Cela commande de la discipline, beaucoup de discipline. Les idées suicidaires sont une torture pour l’esprit. Il faut absolument s’en libérer sans quoi c’est le droit au suicide lui-même qu’on se souhaite et qu’on réclame. Nos sociétés allouent ce droit comme solution ultime pour soulager une souffrance physique intolérable où la mort est médicalement tenue pour imminente. Il diffère des soins palliatifs en ce que ces derniers engagent le(la) moribond(e) dans une lancinante euthanasie passive qui fait le désespoir des proches. Une société dite libertaire se dégraderait encore un peu plus si elle accordait un droit d’autodestruction aux malades mentaux. Le suicide ne saurait être une solution médicale à la détresse psychologique. Les promesses de la psychiatrie devraient inciter à plus d’optimisme et le système nerveux central est encore mal connu. Ceci étant, le droit au suicide existe, malgré toute l’aberration qu’il comporte. Dès lors, il revient aux juges de le sanctionner et non aux médecins ou à de quelconques comités de laïques.
Le problème psychiatrique de l’heure n’est pas seulement la détresse psychologique, mais aussi, et surtout peut-être, la psychose, celle qui cause des violences inouïes au sein de nos communautés, comme notamment ces absurdes fusillades dans les collèges américains. La psychose est une affection médicale de l’esprit impliquant une perte de contact avec la réalité. Elle survient généralement à la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Les nouveaux médicaments traitant les comportements interrogent sérieusement la précarité de nos services psychosociaux et de notre relation d’aide. Ils sont redoutables. Ils commandent un suivi médical serré. La chute dans la folie engendrée par les drogues reste pour l’existentialisme un véritable stigmate. La vie n’est plus qu’un privilège. Le courage d’être, de Paul Tillich, prend ici une signification raisonnante : être là, malgré tout. « Mais que Dieu nous veuille tous absoudre… »(Villon).
